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Note concernant mes photos de l'année 2000.
De: Gilbert Cujean <cujean@fasonet.bf>
Objet: Burkina 2000 - Message 9
Date: 27 janvier 2000 10:57:14 GMT+01:00
*** Ouagadougou, jeudi 27 janvier 2000, 9 h 45
Mes Chers,
D'abord un petit avis qui, paradoxalement, ne vous concerne aucunement (quoi
que?): il y a certainement deux destinataires de mes messages qui ne les
reçoivent plus (surtout les messages 7 et 8) car j'ai reçu un avis de
fasonet. Mais je ne sais pas de qui il s'agit, le groupe de destinataires
étant vu comme un tout. Je vais lever pour une fois le voile et voir si les
indications se précisent. Si vous en savez plus, faites-le moi savoir, svp.
Mercredi matin, ma montre était définitivement arrêtée. Trouve-t-on une pile
pour une Swatch à Ouagadougou? Réponse: oui, mais on ne nous rate pas pour
le prix: 4'600 F CFA (CHF 11.50)! Si Hayek avait fait des montres solaires,
ça n'arriverait pas...
Ce matin, on a des courses à faire avec Augustine: pour moi réserver ma
place dans le bus pour vendredi matin, acheter un connecteur pour brancher
le modem de Karim (et récupérer celui que je lui ai prêté), retirer de
l'argent à la BICIA-B; pour elle faire une assurance vie et d'autres
bricoles...
Ça nous prend une bonne heure et demie. J'ai fait trois magasins pour le
connecteur et je dois encore bricoler celui que j'ai trouvé à 8'500 F CFA
(prix européen!). Mais j'ai découvert le numéro 0 du premier mensuel
burkinabè consacré à l'informatique et à la bureautique et j'ai marchandé le CD
d'Alpha Blondy à 5'000 F CFA - Ce qui a impressionné les employés d'Afrika
Link: ils avaient deviné 8'000! Le prix de départ était 9'500.
Départ ensuite, avec Mathieu, pour ECLA-Informatique. Je vous ai déjà parlé
de tout ça, mais maintenant on passe la 2e: l'inventaire et la mise en place
d'un poste opérationnel. Mathieu le "maintenancier" de PC est avec moi pour
prendre contact avec les Mac.
On fait un peu le tour de ce matériel qui provient d'EDF. Il y a des
Macintosh SE/30, IIsi avec écrans A4 verticaux et IIvx avec écrans Radius
Pivot. Ancien mais pratique et robuste: bien pour ici. On met en marche
certains d'entre eux. Voici le bilan, en vrac:
- mémoires vives 4 ou 5 MB,
- disques durs 40 ou 80 MB,
- interfaces réseau Ethernet (inutiles ici),
- Système 6 ou 7,
- les documents EDF sont en général intact !!!
- un disque est protégé par un mot de passe (à reformater),
- les lecteurs de disquettes ne sont pas très vaillants, mais certains
fonctionnent,
- il n'y a aucun lecteur de CD, ni disque dur externe, ni modem,
- il n'y a qu'une imprimante (HP DeskWriter 520).
Moralité: il y a du boulot et de la formation à faire, mais l'intérêt est
certain. On installe un poste qui contient encore le didacticiel "Visite
guidée du Macintosh" et on en prépare un second pour Afrika Link. Je suis en
train de convaincre (sans difficulté d'ailleurs) ECLA et Afrika Link qu'ils
auront intérêt à collaborer au niveau des services. Il n'y aura pas de
concurrence, les occases à 100'000 F CFA d'un côté, le neuf de l'autre à
1'500'000...
J'ai croisé M. Bologo alors qu'il était en partance pour Ouahigouya.
Toujours le même. On a échangé quelques propos et on se revoit dimanche à
Ouahigouya.
L'informaticien d'ECLA et son équipe savent comment inventorier ce matériel,
un poste est installé pour qu'ils se familiarisent, on est en contact par
Internet et Afrika Link a un Mac IIsi en prêt. Pas mal pour un début!
En fait, ça nous a pris de 11 h 30 à plus de 16 h, avec une pause au bistrot
du coin. Pour ma part, j'ai préféré me passer de manger, car j'ai vraiment
pas le droit d'être malade avant mon retour! Mais j'ai assez de réserves et
la bière, ça nourrit...
On s'est déplacé en taxi-compteur (jaune), à ne pas confondre avec les
autres (vert) qui n'en ont pas, de compteur: tu négocie avant la course ou
on t'arnaque. Avec un taxi-compteur, on est déjà sûr de ne pas prendre
d'autres passagers en route, ce qui est mieux si on est pressé!
De retour au bureau, j'ai le temps de commencer mon message 8, et Karim
vient me chercher pour sa formation e-mail personnelle. Mon message partira
de chez lui, un peu plus tard...
...
Demain, vendredi matin, je prend le car de 7 heures pour Ouahigouya (180 km
au nord-ouest). Je ne sais pas si et dans quelles conditions je pourrai me
connecter depuis là-bas, donc: pas de panique si vous n'entendez plus parler
de moi pendant quelques jours! Profitez-en pour lire quelque chose de
sérieux ou de rafraîchissant!
Encore une chose: si je vous prive de photos, c'est pas par sadisme, c'est
que j'en fait pas. D'abord, je suis pas très japonais sur ce sujet, ensuite,
il me faut du temps et finalement je ne dois pas avoir trop de choses à
transporter. Je suis navré, mais je suis sûr que mes images seraient de
toute façon trop réductrices: pas d'odeur, pas de température, pas de son!
...
A+ (c'est aussi mon groupe sanguin!)
Bien amicalement,
Gilbert Cujean
--
... en séjour au Burkina Faso [:-3)=
<cujean@fasonet.bf> ou <delta.system@bluewin.ch>
Delta-System Sàrl, PO Box 77, CH-1312 Eclépens, Switzerland
De: Gilbert Cujean <cujean@fasonet.bf>
Objet: Burkina 2000 - Message 10
Date: 28 janvier 2000 16:30:11 GMT+01:00
*** Ouahigouya, vendredi 28 janvier 2000, midi
Chers amis,
Je suis à Ouahigouya, tout va bien, mais je dois d'abord vous parler de la
journée de jeudi.
Le matin, après avoir déposé Ousmane au centre ville, Augustine et moi
rendons visite à une personne potentiellement intéressante pour notre future
collaboration: Mamadou Zongo. On le trouve en peignoir, à 7h30, à son
domicile. Il est professeur dans une école où on forme des techniciens de
maintenance (entre autre?) pour l'informatique et la bureautique. Il a
étudié au Burkina, en France et en Allemagne et, en bon fonctionnaire, il a
aussi créé sa propre école où il forme ses élèves le soir. D'après
Augustine, il est très intéressé à l'argent, mais ça ne me dérange pas en
soi, il faut voir le reste. On discute une demi-heure et il nous dit
connaître un peu le Mac (il y a tâté en Allemagne), être intéressé à une
collaboration éventuelle, et nous dit pouvoir introduire un volet Macintosh
à sa formation, ce qui serait bien pour la crédibilité de l'opération.
Le premier contact est pris, Augustine le reverra.
A notre arrivée à Afrika Link, le Mac d'hier est installé, propre, et
Mathieu clique sous les regards et les commentaires des 4 autres employés.
Je leur montre deux ou trois trucs. La motivation est réelle, ils ont du
feeling et comprennent au quart de tour... (Mais il faut dire que c'est un
Mac!)
Après le courrier électronique, j'ai enfin un entretien avec Augustine sur
la marche des affaires d'Afrika Link. Salaires, charges sociales, impôts,
loyer, publicité, etc.: on fait le tour des charges de la société.
J'apprends beaucoup de choses intéressantes dont vous comprendrez que je ne
veuille pas vous donner le détail... Pour ce qui est des revenus, c'est
encore imprécis à la pause de midi.
Il faut dire à la décharge d'Augustine que ses livres de comptes et
justificatifs sont chez le comptable pour le bilan annuel.
A la reprise de 15 heures, j'ai la visite de Camille (le filleul de
Françoise) et de sa soeur Colette. Jeune veuve avec 3 enfants, elle est
aussi aidée financièrement par ma femme et voulait me remercier pour elle.
On bois une "sucrerie" à l'échoppe-épicerie qui est devant le bureau. Il n'y
a pas de bière, c'est des musulmans.
A 16 heures arrive Jean-Claude Ouédraogo (je lui avait téléphoné la veille).
C'est un jeune hydraulicien brillant que j'ai connu à Ouahigouya où il
travaillait à la Cellule hydraulique de la FNGN (Groupements Naam). Il est
maintenant à Ouagadougou, où il vient de commencer 3 année de
perfectionnement à l'EIER (Ecole Inter-Etats des Ingénieurs de
l'Equipement Rural). Cette école est internationale, regroupe des élèves de
toute l'Afrique francophone et Jean-Claude est l'un des 3 Burkinabè (sur
200) ayant réussi le concours d'entrée. Chapeau!
Plus tard, il m'emmène sur sa Mobylette jusqu'à l'atelier de couture d'ECLA
où la patronne m'a fait fabriquer deux superbes chemises. L'atelier d'ECLA
étant un atelier d'apprentissage, le travail a été fait dans son atelier
privé, à domicile, dirigé par sa fille. Ici quand les gens se bougent, ils
se bougent!
De retour chez les Sawadogo, un peu de CAN 2000 à la télé, on mange, et je
consacre le restant de la soirée à trier mes bagages pour vendredi. Mireille
m'a prêté le sac sport de Malou. C'est pas facile, mais ça marche!
Ousmane a donné rendez-vous au voisin taximan à 6 heures. A 22 heures je
dors.
...
Je vais essayer d'envoyer ce message avant de vous raconter la suite. Il
faut bien faire un peu mousser le suspens, non?
Et je vous annonce déjà un scoop (du moins, je crois!).
...
Amicalement et toujours en forme,
Gilbert Cujean
--
... en séjour au Burkina Faso [:-3)=
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De: Gilbert Cujean <cujean@fasonet.bf>
Objet: Burkina 2000 - Message 11
Date: 29 janvier 2000 16:55:32 GMT+01:00
Pièces jointes 2, 42.1 Ko
*** Ouahigouya, vendredi 28 janvier 2000, 19 h 15
Rebonjour à tous,
... puisque c'est la seconde fois que je vous écrit aujourd'hui!
Qui a dit qu'Internet ne fonctionnait pas depuis Ouahigouya?
...
Ce matin, donc, je me suis levé à l'aube. J'ai déjà les yeux ouverts depuis
un moment quand le réveil sonne à 5 h 10. J'ai dormi très fort la première
partie de la nuit, mais depuis 4 heures, je me suis réveillé plusieurs fois.
On est dans un quartier calme, je vous l'ai déjà dit, mais c'est quand même
l'Afrique: c'est pas possible ce que les chiens peuvent hurler, ça n'arrête
pas de toute la nuit, et il y a le muezzin (cassette + mégaphone) à 4 h 45,
et les coqs dès 5 heures, et les ânes de temps en temps...
Douche, démontage de la moustiquaire, fin des bagages, il est 6 heures et
Ousmane se lève pour me saluer. Pas de taxi. La voiture est à 30 m de nous,
devant chez le chauffeur qui n'est pas réveillé. On attends 10 minutes, on
envoie le gardien lancer des cailloux contre sa porte métallique, on le voit
se pointer puis plus rien, encore 5 minutes... et Ousmane m'amène à la gare
routière dans sa propre voiture. C'est quand même chouette d'avoir des
copains!
La cour de la STMB est minuscule, si on voit le nombre de véhicules qui y
stationnent. Ils ont juste la place de tourner et de sortir sur la rue, en
poussant de puissants coups de klaxon. Il y a du monde, mais c'est
terriblement bien organisé: on vous étiquette vos bagages avant de les
mettre en soute, on appelle les gens par leur nom ("Monsieur Gilbert!") pour
qu'ils montent dans le véhicule dans l'ordre des réservations et... on part
à l'heure pile!
On sort de Ouaga alors que tout le monde se rend à son travail. Je vous
explique pas le trafic de vélos, mobylettes et voitures! Le chauffeur fonce
là dedans comme un fou, ne freinant que quand la vie de plus de trois
personnes serait mise en danger! On frôle les deux-roues de si près qu'on
n'ose pas regarder en arrière!
Une demi-heure après, on est en rase campagne. On s'arrête parfois pour
prendre du monde. Le car n'est pas tout-à-fait plein mais ça ne va pas
durer: 10 minutes plus tard, on s'arrête à proximité d'un autre car STMB
pour la même destination et qui a explosé son ventilateur! Pas de problème,
on embarque passagers et bagages (il n'y a pas d'animaux vivants). Ça
commence à faire beaucoup de monde et je suis bien content d'avoir pu
choisir la meilleure place, au centre derrière le chauffeur: je peux encore
tendre les jambes. A part ça, c'est vraiment coincé et il reste deux bonnes
heures de route que certains vont faire debout. Mais la bonne humeur est
toujours là, il n'y a pas de problème... Pas besoin de vous préciser que je
suis le seul blanc du voyage et que ça ne parle pas français autour de moi
(sauf si on m'adresse la parole!).
La "savane arborisée" est monotone, terre rouge, herbes jaunes, arbres
verts. Il fait une température agréable, le chauffeur a un bon blouson
doublé, certains passagers des anoraks (pas très épais, mais quand même, ça
fait drôle!), moi en chemise, je suis bien!
Pour ceux qui connaissent le parcours, je signale que le grand immeuble avec
les arcades à Yako est toujours en construction...
On arrive à Ouahigouya un peu avant dix heures. Le voyage fait 185 km. On
quitte le "goudron" à droite en direction du Marché et je vois la rue
bordant ce dernier au nord barrée par des palissades bricolées. Et il n'y a
personne de l'autre côté! 50 mètres plus loin, on tourne à droite, le long
du Marché QUI EST FERMÉ! Mais que ce passe-t-il?
Mon voisin m'apprend qu'il y a eu des manifestations violentes il y a
quelques jours (mardi?) de la part des commerçants qui trouvent leur taxes
et locations excessives; qu'on a incendié des kiosques du PMU burkinabè et
le siège local du CDP (parti de Blaise Campaoré, président au pouvoir); que
la gendarmerie a répliqué au gaz lacrymogène, etc. Le maire, lui, a fait
boucler le Marché pour une durée indéterminée.
Abdoulaye Ouédraogo, président d'ESF Burkina et notre correspondant pour la
bibliothèque de Mouni, est venu me chercher. Il me confirme les faits. Il
ajoute que des agitateurs on fait dégénérer les choses et que c'est une
conséquence de la crise politique rampante qui empoisonne le Burkina depuis
l'assassinat du journaliste Norbert Zongo, il y a plus d'une année.
On va en mobylette jusqu'à l'hôtel Colibri. On ne roule pas vite, avec les
deux bagages entre les jambes d'Abdoulaye, mais on dépasse une autre
mobylette, je tourne la tête... c'est le vieux Issaka, le chauffeur de la
bâchée qu'on utilisait avec ESF en 1997-98, encore un hasard à l'africaine!
Le Colibri est près de chez lui, il passera me voir!
Le petit hôtel est très propre et bien conçu. Merci à Sylvie pour l'adresse!
L'accueil d'Abdoulaye est chaleureux. Il me demande des nouvelles de ma
famille et on parle de mon exclusion d'ESF Suisse. Ici, les membres d'ESF
Burkina ont été choqués par l'attitude du comité suisse qui n'a pas donné
suite à leur pétition et à une lettre. D'après Abdoulaye, trois personnes
ont également intrigué contre moi: deux Burkinabè, Dominique Bamongo et
Ibrahima Cessouma ainsi qu'un Suisse, Marcel C[...]. Sans m'étendre sur les
détails de tout ça (par respect pour ceux qui ne connaissent pas ESF ou qui
s'en tape!), les deux Burkinabè ont été écartés du comité de leur
association et Ibrahima (le fameux Picasso de Josiane) en est à sa troisième
réaffectation en quatre mois, tellement il cause de problèmes à sa
hiérarchie. Cette fois il est éjecté 250 km plus au sud!
Quand à Marcel, c'est un ancien gendarme, on peut comprendre que lui et moi
n'ayons pas trop d'atomes crochus!
J'ai ensuite préparé mon message 10, et plus tard, j'ai été à pied jusqu'au
centre ville pour manger (10-15 minutes). Là je me casse le nez sur Salif,
le garçon qui s'occupe des logements chez les Naam. Il est un peu
casse-pied, mais bavard. Je l'invite donc à boire une bière. On finit par
partager l'énorme assiette de poulet (il y a tous les morceaux!) et la
platée de riz qu'on me sert après 45 minutes d'attente (!). J'apprends un
tas de choses, mais rien de transcendant.
Pour retourner à mon hôtel, Salif organise un deal avec un neveu et sa
mobylette: j'offre un litre d'essence à la seconde et les deux me ramène.
Marché conclu. Je rajoute 50 F CFA pour le premier.
A 15 heures, Abdoulaye m'a conduit saluer Saïdou Ouédraogo, directeur de la
DPEBA et l'inspecteur chargé du secteur de Mouni. Je croise Bibata, une
enseignante membre du comité d'ESF.
On va ensuite chez les Naam, et c'est Bernard Lédéa Ouédraogo (maire de
Ouahigouya), Clément Kayende, Aoua, Adama comptable, "Six-à-six", Issouf, le
Caporal, Edmond Lucien Ouédraogo, le gardien des bureaux... Tous me
reconnaissent, me demandent des nouvelles de ma famille, des membres d'ESF
qu'ils connaissent, d'Isabelle, de Frank Musy... Quelle chaleur et quel sens
de l'accueil!
Bernard Lédéa, en grand boubou et chapeau blancs est superbe et plus
majestueux encore que d'habitude. Les problèmes lui vont bien! Il me reçoit
dans son bureau et après le sujet Internet, je lui demande ce qui se passe
en ville. Il minimise évidemment, disant qu'on avait profité de son absence
à Paris pour faire ça. Il dit que c'est la Coopération suisse qui ayant
financé la construction du Marché en a calculé les taxes et loyers. Ça me
paraît bizarre, mais je ne suis pas à même de vérifier. Il n'aime pas
beaucoup les commerçants qui selon lui refusent le dialogue: il leur a fait
des propositions et attend une réponse écrite qui ne vient pas. En
attendant, le Marché restera fermé. Point.
Je finis tout de même par aborder le bureau "Internet" ou je commence par me
connecter et vous envoyer le message précédent. Il est 16 h 30 et ça marche
au second essai. Le temps d'aller boire un verre avec Clément à "La
Gendarmerie" et on est bon pour faire poursuivre Aoua par "Six-à-six" pour
lui demander le mot de passe! Bien vu, il l'a rattrapée au car pour Ouaga!
Pour tous ceux que ça intéresse, il y a finalement effectivement un petit
problème, non pas de connexion, mais d'accès au courrier. Est-ce dû à un
problème de configuration ou au fournisseur d'accès? La connexion n'a pas
été utilisée depuis une année environ, les factures ont-elles été payées? On
verra une autre fois, car Issouf est là pour me ramener à l'hôtel... en
boguet, et sans lumière, par des rues non éclairées, pleine de trous! C'est
vraiment pas possible.
...
Allez, je vous embrasse!
Gilbert Cujean
--
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Objet: Burkina 2000 - Message 12
Date: 29 janvier 2000 16:55:34 GMT+01:00
Pièces jointes 6, 207 Ko
*** Ouahigouya, samedi 29 janvier 2000, 14 h 30
Mes amis,
Je viens de rentrer au Colibri après une des matinées les plus fantastiques
et les plus émouvantes de ma vie. Je suis encore sous le coup car je viens
de "développer" les photos digitales que vous trouverez en annexe.
Mais rebobinons le film. Attention: silence, moteur, ça tourne!
Abdoulaye viens me chercher à 8 heures à l'hôtel. Quelques courses en ville,
essence pour la mobylette, eau minérale pour le passager, etc. on prend la
direction nord-ouest, vers la frontière du Mali. A la sortie de Ouahigouya,
le goudron fait place à la terre battue, mais la route est bonne. Une
dizaine de kilomètres et on quitte la "grande voie" pour la piste. C'est
étroit et tortueux, entre roche, terre et sable: un peu le Dakar en plus
humanitaire!
La vieille mobylette a 20 ans, plus de compteur et quelques accessoires
cassés, mais elle porte vaillamment Abdoulaye et mes 85 kg. On ne va pas
très vite mais on parcoure bien 15 kilomètres quand on se rend compte que la
roue arrière est crevée. Un beau clou qui vient certainement de la ville.
On est au milieu de nulle part (en apparence) et on continue à pied.
La température est agréable -pour moi! (25-30 degrés)-, abaissée par le vent
d'est, l'Harmattan, qui s'est bien levé. Abdoulaye me fait chaud, rien qu'a
le regarder pousser sa bécane, avec une veste doublée sur sa chemise!
On fait 20 bonnes minutes de marche avant d'arriver à Mouni. C'est un assez
gros village de brousse de 900 habitants environ. On passe par la concession
de la famille d'Abdoulaye pour confier la réparation à un "petit frère".
A 5 ou 600 mètres, il y a l'école où nous nous rendons.
Là je ne sais pas si j'arriverai à vous décrire l'ambiance, mais JAMAIS je
n'ai vécu quelque chose de pareil. A notre approche, les femmes (60 ou 80
mères d'élèves) se sont mises à chanter en rythmant leur melopée en frappant
dans leurs mains. Elles sont évidemment habillées de vêtements traditionnels
aux couleurs vives extraordinaires. Je serre des mains, on me souhaite la
bienvenue en morré. Le jeune directeur de l'école et ses deux maîtres me
conduisent à 30 mètres de là dans le préau de l'école où le spectacle est
incroyable: les notables du village sont assis aux tables-bancs qu'on a
sorties des classes; deux grand cercles sont dessinés sur le sol par des
cailloux peints en blanc, avec dans l'un ECLEPENS et dans l'autre MOUNI
écrit par le même moyen; je lève les yeux sur la façade du bâtiment rénové
et y voit un écriteau tout neuf: Bibliothèque Scolaire CUJEAN,
ECLEPENS-MOUNI, SUISSE-BURKINA FASO et les deux drapeaux nationaux!
Là je dois dire que mes yeux étaient un peu embués! Je pense qu'entre les
notables, les hommes, les femmes, les élèves et les autres enfants, il doit
y avoir plus de 300 personnes!
Abdoulaye et moi sommes debout dans le cercle formé par la population, et la
réception officielle peut commencer. Abdoulaye prend la parole en morré pour
expliquer la genèse de cette histoire.
Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas au courant, voici ma version: Suite à
notre séjour à Ouahigouya en 1998, Françoise, mon épouse, a décidé de
soutenir le projet d'Abdoulaye de créer une bibliothèque scolaire dans son
village d'origine: Mouni. Elle a offert de quoi acheter une armoire
métallique, des tables-bancs et des lampes à pétrole (il n'y a pas
d'électricité au village et ici il fait nuit noire à 19 heures).
Entre-temps, j'ai décidé de participer également, principalement dans la
réhabilitation d'une classe et sa transformation en salle de lecture. Plus
récemment, Françoise a envoyé un premier lot de livres. Tout n'est pas
terminé à 100%, mais l'inauguration est prévue pour avril, en présence de
Françoise.
A plusieurs reprises, des applaudissements fusent de l'assistance.
C'est ensuite au tour du Responsable administratif du village (le [délégué du préfet]?) de
prendre la parole. Puis c'est au tour du Président des parents d'élèves,
puis du Chef coutumier. A chaque fois, Abdoulaye traduit brièvement les
discours de remerciements et d'amitié. Tous demandent que cette opération
soit le début d'une relation plus durable. Là aussi, ponctuation par des
applaudissements de la foule. Tout le monde est attentif aux paroles des
notables. J'improvise finalement aussi un petit laïus en remerciant pour
l'accueil, en disant mon émotion, en précisant que c'est la première fois
que j'ai mon nom sur une maison (sauf sur la boîte-aux-lettres que
j'explique avoir devant ma maison!) et que ça m'honore énormément. Je dis
aussi que c'est en fait à eux-même et à Abdoulaye que je retourne les
remerciements pour cette bibliothèque scolaire. C'est eux qui l'on bâtie,
c'est eux qui l'ont voulue, nous n'avons fait qu'aider un peu, et dans
l'avenir, c'est eux qui doivent continuer à agir et décider des choses, sans
attendre nécessairement une aide extérieur. J'ai rendu hommage à Françoise
qui a la première décidé d'aider Mouni, moi je n'ai fait qu'aider ma femme!
(rires des francophones!). Le nom de mon village sur le panneau au dessus de
la porte fait aussi que je promet aux habitants de Mouni de rapporter leur
action aux autorités d'Eclépens dès mon retour.
Abdoulaye traduit en morré, car tout le monde ne comprend pas le français.
Puis c'est "l'eau de l'étranger". On nous offre une grande tasse d'eau en
signe de bienvenue. Avec la complicité du directeur à qui j'ai confié ma
bouteille d'eau minérale, je peux satisfaire à la tradition!
Puis c'est la visite de la bibliothèque. Une unique salle, 6 tables-bancs à
une place. Un mur de 25 cm en maçonnerie (ça va tenir!) sert de banque,
entre la zone armoire métallique, ancien podium du maître et la salle de
lecture. Le toit en tôle semble étanche. Tout est bien propre, malgré les
tonnes de poussière et de sable soulevées par l'Harmattan.
A notre retour dans la cour, on passe encore un degré dans l'hallucinant: la
remise des présents. Tenez-vous bien:
- le Chef coutumier m'amène un superbe mouton, noir et blanc, avec des
cornes;
- le Responsable administratif m'offre un coq;
- l'immam (le village est exclusivement musulman) me fait apporter une
poule;
- le Président des parents d'élèves me tend un paquet de papier kraft
soigneusement scotché et marqué "Monsieur Gilbert Cujean". Je l'ouvre et y
découvre un superbe boubou brodé et un pantalon assorti. Je passe
immédiatement le boubou (par dessus la chemise, pour ne pas attraper froid
;-)) sous les applaudissements!
Je remercie encore, mais ne sais pas trouver de mots pour cela.
On repassera avec un véhicule pour le mouton, on emporte le reste
immédiatement. Ah oui, j'oubliait de vous préciser que tous les animaux sont
vivants. C'est encore le meilleur moyen de les conserver!
On libère enfin ces gens (qui nous attendaient depuis 7 h 30). Il est 11
heures passées. On prend le chemin de la concession d'Abdoulaye, suivis par
les enfants et les femmes qui ont repris leur chant. Le cortège est immense,
sachant que les hommes sont restés devant l'école pour palabrer...
Aujourd'hui, j'ai pris des photos! Quelques unes sont jointes, les autres
sont sur pellicule.
On rentre avec une mobylette réparée, par une autre piste, les gallinacées
pendues au guidon par les pattes (j'attends la SPA de pied ferme!).
45
minutes plus tard on est devant une bière bien fraîche et ça fait du bien!
Au guidon, c'est toujours calme... Je donne les poules à Abdoulaye qui a une
femme, 5 enfants, 2 cousines, un oncle et une tante à charge (je crois que
je n'ai personne oublié!).
Voilà. Il fallait que je raconte ça immédiatement, c'était vraiment fort.
Et les femmes de Mouni attendent Françoise leur co-épouse (sic) avec
impatience. On n'a pas fini d'avoir chaud au coeur!
A bientôt, et merci de partager mon histoire,
amicalement,
Gilbert Cujean
--
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Légendes des photos [de haut en bas]:
- Les notables dans la cour.
- Le Chef coutumier (avec le mouton!).
- Un maître, le directeur de lécole, le Président des parents, l'autre maître (de g. à d.).
- Une partie des enfants. Au fond: une partie des femmes.
- La plaque au dessus de la porte.
- La tête du cortège final!
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