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Note concernant mes photos de l'année 2000.
De : gc@deltalink.org
Objet : Burkina Faso, nov. 2000 - (16)
Date : 2 décembre 2000 16:59:49 GMT+01:00
À : gc@deltalink.org
*** Eclépens, samedi 2 décembre 2000
Chers téléspectateurs bonjour,
Je vous prie d'excuser l'interruption de nos émissions, à cause de
l'activité débordante de toute fin de séjour... Un peu comme si les
événements se précipitaient enfin au moment où il faut partir!
Je suis bien rentré, hier matin, et maintenant donc, je peux reprendre:
On était restés à mardi matin, le 28 novembre. J'ai attendu Moussa Bologo
jusque vers 10 heures. On a foncé à la gare routière Ouagarinter, qui fait
un peu office de port dans ce pays sans accès à la mer: pour les poids
lourds en transit ou arrivés à destination, c'est un passage obligé, en
grande partie soumis aux caprices des douaniers.
Le container est là, chargé sur un camion togolais. Je le reconnais
facilement car il est bleu foncé et pas trop rouillé! On embarque un
douanier à bord du pick-up de Moussa. On est un peu serrés, mais ça va. Je
ne vous ai pas dit que Bologo doit faire presque 1m90 et peut-être 110 kg;
le douanier est bien là aussi, emballé dans une grosse veste doublée de
l'armée (il fait 30°, mais les deux fenêtres sont ouvertes!). Moi, au
milieu, je fais un peu gringalet...
On quitte le gare routière suivis par le poids lourd. On traverse les
faubourgs sud et est de Ouaga et si on ne roule pas à plus de 60 km/h, le
camion nous colle au pare-chocs! C'est un monstre qui se faufile ainsi parmi
la foule: le container seul fait 40 pieds soit environ 12 m!
On va décharger les vélos à Ziniaré. C'est une petite ville à 35 km au
nord-est de Ouagadougou, mais c'est la ville du Président. Blaise Campaoré
vit là, semble-t-il et on m'explique qu'il se rend à la Présidence en 10
minutes, une fois la voie dégagée par la police ou l'armée... On est loin de
ces performances, mais la route est belle, sans trous.
Arrivés sur place, Bologo cherche un peu son chemin. ECLA a vendu les vélos
en bloc à une autre ONG qui va les commercialiser. On va décharger dans la
cour de cette ONG, où les gens d'ECLA vont d'abord remonter les vélos. Un
cortège surréaliste se forme bientôt: devant, il y a un jeune à vélo qui
nous pilote, puis le pick-up où j'ai pris place, en dernier le
semi-remorque. Les "rues" ne sont évidemment pas goudronnées et assez
défoncées, le cycliste va droit au but et on traverse même un marché!
Pour compléter le tableau, c'est à ce moment précis que mon cellulaire
sonne: un de mes clients, en Suisse est en panne d'informatique! Je ne peux
pas faire grand chose, mais la situation est assez cocasse: je suis coincé
entre les deux balaises, sur la banquette de la Peugeot qui saute de trou en
nid de poule, et j'essaie "présentement" de conseiller la pauvre Mlle
Sylviane qui opère sur une autre planète...
Une fois le monstre parqué par le virtuose qui est au volant, c'est le
déchargement. Imaginez qu'en deux heures environ, une équipe d'une quinzaine
de personnes sort du container près de 700 vélos ou plus précisément quelque
1400 roues, 700 cadres et autant de guidons, de pédaliers et de selles, sans
parler des cornets d'accessoires (dynamos, etc.), soit en tout plus de 4000
objets! Nos compatriotes de DrahtEsel ont soigneusement occupé la totalité
du volume en rangeant tout bien "tip-top"...
Le travail ici est absolument impressionnant car le personnel d'ECLA est
formé de beaucoup de handicapés: certains ont une canne anglaise (voir la
photo), d'autres se déplacent "à 4 pattes", d'autres encore sont
sourds-muets, etc. Le matériel est trié en entassé dans la cour, avec une
dextérité étonnante et presque sans un mot (bon, d'accord, il y a les
muets!): 3 tas de roues (normales, enfant, VTT), idem pour les cadres et
pour les accessoires qui sont séparés (guidons, selles, pédaliers, etc.). On
voit que ce n'est pas leur premier camion!
[J'ai fait la plupart des photos avec un appareil traditionnel. Vous les
trouverez sur le site de DeltaLink dans quelque temps...] [En fait, ces images n'ont pas été conservées lors du remaniement complet du site de DeltaLink en 2003, mais en voici cinq, ci-dessous, qui ne faisaient pas partie du présent message, en 2000/ndlr]
Peu avant la fin de l'opération, Bologo qui s'était absenté revient en
expliquant assez habilement qu'il doit rentrer sur Ouaga rapidement. Il
propose de ramener le douanier qui accepte... sans avoir le temps de
découvrir les ordinateurs qui sont tout au fond du container! Ces derniers
figurent sur la lettre de transport, mais c'est préférable de ne pas
provoquer une trop grande curiosité.
On fonce donc sur Ouaga à plus de 120 km/h! Ce pick-up est un bon véhicule
et je sais que quelques fois Moussa fait de petites "courses" pour faire
bisquer les prétentieux en Mercedes.
On retrouvera le camion au siège de la Coordination de ECLA, au milieu de
l'après-midi. Sans douanier, ce sera alors aux ordinateurs d'être déchargés. C'est une autre histoire, car nos palettes font sûrement dans les 300 kg! Ici les "trans-palettes" ont une douzaine de bras et se déplacent très bien
sur sol irrégulier.
On ouvre les cartons. Rien n'a souffert, tout est bien. Mais le container a
eu chaud: des unités centrales que nous avions empilées sans couverture sont
"soudées" l'une à l'autre par leurs pieds en caoutchouc!
Les textiles ont fait leur effet et le chauffeur s'est empressé de se faire
donner une couverture pour les nuits "froides" dans son bahut...
A propos,
il est reparti pour Lomé en début de soirée pour rapporter le container dans
les délais et récupérer la caution (1 Mio F CFA, je crois). C'est à 1000 km
et il doit y être dans une trentaine d'heures, y compris un passage de
frontière, sous peine de pénalité financière. Bon voyage! "Y a pas de
problème, c'est hors du camion que ça me fatigue!" qu'il m'a dit...
Le soir, j'étais invité chez Laetitia une copine française qui apprenait à
une autre Française, Hélène, à préparer... le tô!
C'était bon (!), surtout
la sauce, et on a passé une chouette soirée à discuter. L'autre fille avait
amené du Bordeaux: vraiment pas terrible par une chaleur pareille, on n'a
même pas terminé la bouteille!
---
Bon, je vous laisse pour aujourd'hui, je vais à la fête africaine de Gollion!
On se retrouve sous peu pour la fin de l'histoire.
Ciao,
Gilbert Cujean
--
... de retour du Burkina Faso [:-3(=
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Association DeltaLink: <http://www.deltalink.org>
De : gc@deltalink.org
Objet : Burkina Faso, nov. 2000 - (17)
Date : 4 décembre 2000 23:24:52 GMT+01:00
À : gc@deltalink.org
*** Eclépens, lundi 4 décembre 2000
Bonjour à tous pour ce dernier message,
Paradoxalement, je n'ai pas eu le temps de vous raconter la fin de mon
séjour parce que j'étais trop occupé, mais je n'ai pas grand chose à vous
dire: les dernières 48 heures d'un voyage comme celui que je viens de vivre
sont faites de beaucoup de petits événements, presque insignifiants, sauf
pour celui qui les vit.
Mercredi (29.11), j'ai assisté au transfert du matériel dans les nouveaux
locaux de vente de ECLA. Mieux situés, plus près du centre, dans le quartier
de Dapoya (à côté de la Pharmacie de la Savane, pour ceux qui connaissent ou
qui voudrait s'y rendre), ce magasin n'est pas encore aménagé mais déjà
envahi par le matériel qu'on entasse au mieux dans l'arrière-boutique.
Et puis, il faut régler (ou tenter de la faire!) les petits détails, les au
revoirs et les adieux... Rien de bien folichon là dedans. Une rencontre bilan avec les gens d'ECLA me montre encore une fois qu'ils
ont perdu des compétences en perdant Lingani leur maintenancier, même si
celui-ci n'était pas complètement fiable. Ils vont vendre le matériel comme
il est, sans essayer de le valoriser. Mais avouons que c'est difficile quand
les clients connaissent presque mieux le matériel que les vendeurs!
Sous prétexte d'honnêteté (pas de promesses qu'on ne pourra peut-être pas
tenir), Moussa Bologo refuse de s'engager pour une certaine fréquence de
livraison. En fait, il s'agit plutôt d'une incapacité à imaginer l'avenir et
à se fixer des objectifs. Ils veulent d'abord vendre les machines qu'ils ont
reçues, ensuite, on verra!
Je me trouve là devant un phénomène que je commence enfin à comprendre... et
j'en suis à mon 5e ou 6e voyage!:
Lorsque 90% de la population, au plus tard à partir de midi, n'ont qu'une
pensée en tête: "Que vais-je manger ce soir? Et ma famille?", on ne peut pas
penser au lendemain avec sérénité, on est perpétuellement dans le présent et
la précarité. Et même si pour certains, les choses s'arrangent petit à
petit, cet héritage culturel pèse lourd sur l'imagination, la faculté
d'abstraction et les visions ou les projets d'avenir. Ajoutez à ceci une
bonne dose de fatalisme: "Ce qui est, est.", et vous avez la réponse à bien
des questions.
Les Africains fainéants? — Faux! Au contraire même, ils ne savent pas
économiser leur peine et dépensent souvent une énergie incroyable. Cool, les Africains? — Pas tant que ça! Plutôt résignés face à l'abondance
des petits problèmes bêtement pratiques. Une difficulté se présente-t-elle dans le déroulement des événements? Elle
est admise comme telle par l'Africain, même si elle a été créée par un
comportement discutable, coupable ou imbécile d'une tierce personne, alors
que l'Européen, face à la même difficulté n'aura qu'une idée: la contourner
ou la faire disparaître au plus vite...
Il ne s'agit là que de généralités qui souffrent heureusement d'exceptions,
mais nous devons constamment avoir à l'esprit ces barrières culturelles.
Jeudi matin 30 novembre, mes bagages sont bouclés dès la première heure. Je
redoute la balance de l'aéroport, car j'ai plus de poids qu'à l'aller, j'en
suis sûr. À ma grosse valise et au bagage de cabine, s'ajoute maintenant une
mallette en alu avec mon ordinateur et mes dossiers (cette mallette était
restée à Ouaga depuis mon dernier séjour du mois d'avril). Le carton de
cadeaux et de petit matériel informatique de l'aller a été remplacé par la
corbeille offerte à Françoise par les femmes de Mouni. Avec les arachides
qui restent (quelques kilos!), la calebasse, la louche... et quelques habits
pour préserver des chocs, l'ensemble est enfermé dans un grand sac en
plastique marqué SEMENCE et frappé d'une tête de mort! (L'analphabétisme et
la faim pourraient pousser certains à manger des semences traitées avec des
produits dangereux...)
Brève visite au BUCO (Bureau de la Coopération suisse) où je retrouve M.
Debétaz pour un bilan de fin de séjour. Au retour, je fais une course en
taxi avec 6 étapes pour des bricoles. Je commence à bien me repérer dans
Ouagadougou, surtout au centre, et j'en suis assez fier car il n'y a
pratiquement pas de panneaux de signalisation et la ville est grande.
A midi, comme convenu, Salam Kaboré passe au Riviera me prendre avec mes
bagages. Après un repas dans un bon resto où on retrouve Michelle, sa femme,
il m'amène à l'aéroport. Il y a un pré-enregistrement des bagages dès 15
heures. Je suis un des premiers, mais il est bien 16 heures quand je place
mes colis sur la balance, avec une certaine appréhension... 38 kilos, sans
la mallette qui doit bien en faire 10 de plus! Le type est sympa, on attend
un peu sur l'informatique et finalement tout passe sans problème. Me voilà
plus léger!
Moi qui n'aime pas trop les adieux, j'ai été servi! De 17h30 à 21h30 où je
suis entré dans la zone de départ, c'est une bonne dizaine de personnes qui
sont venues me saluer, m'embrasser et m'apporter des cadeaux ou du courrier
pour l'Europe...
Et puis c'est le voyage de retour: décollage à près de minuit, escale à
Bruxelles de 6h à 7h30, arrivée à Genève à 9h (8h au Burkina).
---
Merci à vous tous de m'avoir suivi par la pensée!
Un dernier clin d'oeil avec ce minibus photographié à Ouaga.
Et rendez-vous dans une dizaine de jours sur le site <www.deltalink.org> pour des photos supplémentaires!
[Les photos promises n'ont pas été conservées sur le nouveau site de DeltaLink, mis en ligne en 2003 (voir message 16, ci-dessus)/ndlr]
Amicalement à tous,
Gilbert Cujean
Tél. direct: +41 79 / 213 50 36
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