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Mouni
Samedi matin, 10 mai 2003
 Mouni
est un village de brousse, à 25 km au nord de Ouahigouya. Abdoulaye Ouédraogo
que nous connaissons, ma femme et moi, depuis 1997 est originaire de ce village
où réside encore sa «grande famille». Lui-même
est responsable des ressources humaines à la DPEBA du Yatenga (Direction
Provinciale de lEnseignement de Base et de lAlphabétisation).
Il y a 3 ans, nous avons financé son projet de bibliothèque scolaire
dans ce village où lécole (3 classes) existe depuis une douzaine
dannées seulement. Depuis lors et principalement grâce à
lenthousiasme et au dynamisme de Karim Bagaya, directeur-enseignant à
Mouni, cette bibliothèque fonctionne, des livres sont empruntés
par les élèves, lus sur place ou emmenés dans les familles...
Ce
qui est remarquable, cest que ce petit projet (CHF 1200.-, environ
de participation extérieure) a eu des effets secondaires et collatéraux
non négligeables: motivation des parents à scolariser les enfants,
demande des femmes du village à être alphabétisées
(en morré, langue locale), divers projets de développement et dassainissement
(latrines pour lécole, forage et pompe, etc.).
À chacun de mes voyages (en 2001 avec ma femme), je me rends à lécole
où les habitants du village se réunissent pour maccueillir.
Cette fois encore, les femmes dansaient et chantaient à mon arrivée,
les notables et notamment le nouveau chef coutumier mont dit leur reconnaissance,
leur amitié, et ils mont offert 2 coqs... en sexcusant du peu!
Le directeur traduisait, car ces gens nont pas connu lécole
et ne parlent que le mooré.
Nous
apportons ponctuellement mais régulièrement un peu daide à
ce village. La population est pauvre, et 2 récoltes quasi inexistantes
sur 3 ans (2000 et 2002) pour cause de manque de pluies ont vidé les greniers.
Le prix des céréales augmente et les gens de Mouni nont pas
grand chose à vendre... Alors nous avons contribué à lachat
des fournitures scolaires et à lapprovisionnement en mil de la cantine
scolaire «endogène» (les produits sont fournis pour moitié
par une ONG étasunienne, pour moitié par les parents délèves
cest à cette part que nous contribuons).
En 2001, nous avions même fait appel à nos amis pour financer finalement
7 tonnes de céréales réparties entre Mouni et deux villages
sahéliens: Arbinda et Gorguel.
Cette fois, nous avons amené 6 sacs de 100 kg (dont la moitié était
financée par Gisèle et Pierre Rochat, nos voisins dÉclépens).
Par ailleurs, le Football-Club La Sarraz-Éclépens nous a généreusement
mis à disposition un ancien équipement pour juniors sponsorisé
par Plastag SA, une usine dÉclépens. Enfin, le «ballon
du match» était offert par la Carrosserie Mendolia, voisine de latelier
de DeltaLink à La Sarraz. Toute la région sy est donc mise!
| Ci-dessus: |
Le chargement du mil, à Ouahiogouya.
La «bâchée» prête au départ.
Le poste de pilotage: allégement maximum. Le volant, le
levier de vitesse et les pédales sont fonctionnels. Déchargement
des 600 kg à Mouni. |
| Ci-dessous: |
Les femmes dansent pour l'accueil. Au
centre Madina, la responsable, a la lettre et les photos envoyées
par Françoise à la main. Les notables de Mouni. |
Légendes des photos:
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 Pendant
plus de 2 heures qua duré notre visite, jai pu voir la classe
dalphabétisation des femmes qui était en pleine évaluation:
un examinateur officiel leur faisait une dictée en mooré (kelg-ngulse
= écouter pour écrire). On ma montré les nouvelles
latrines de lécole: fermées par de solides cadenas en dehors
des heures décole «parce que les rôdeurs, [contrairement
aux élèves], nont pas appris à déféquer
correctement!» (sic). Un peu plus loin, la pompe fonctionne et on est en
train de lui construire un muret de protection. On me montre aussi le toit dune
des salles de classe, dont la charpente visiblement sous-dimensionnée est
en voie de rupture (les vents sont souvent violents pendant les pluies dont la
saison devrait bientôt commencer). Refaire le toit? Environ un demi-million
de francs CFA (un peu plus de CHF 1000.-) à première vue,
mais le village nen a pas les moyens. « Et lÉtat?»,
ai-je demandé... Éclat de rire général!
  
 
| En haut: |
Les latrines de l'école.
La fontaine pour se laver les mains après. Il n'y a pas d'eau
courante, le réservoir est évidemment rempli à
la main. Le directeur de l'école démontre la pompe.
Profondeur du forage: 70 à 80 m. |
| Ci-dessus: |
La classe d'alphabétisation des
femmes à l'examen, dans la salle de lecture de la «Bibliothèque
scolaire Cujean». [Des grains de poussière ont renvoyé
l'éclat du flash.] La réunion a lieu sous les quelques
arbres du préau. Il fait certainement bien 40°C... sous abri
météo (en réalité, nettement plus)! |
| Ci-dessous: |
Photo de famille [de g. à dr.]:
Le président des parents d'élèves, un inconnu,
Madina la responsable des femmes, votre serviteur avec ses 2 coqs, le
nouveau chef coutumier, un autre inconnu, le responsable administratif
du village (sorte de sous-préfet), le responsable religieux (tout
le village est musulman), Karim Bagaya le directeur de l'école. |
Légendes des photos:
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Et puis il y a eu larrivée de léquipe
de football de lécole, équipée en rouge et jaune, groupée,
au petit pas de course, le gardien devant... comme des pros! On na pas encore
eu le temps (ou la pompe!) pour gonfler le ballon, mais quà cela
ne tienne. Les chaussettes de foot sans soulier, cest très élégant,
non?
 
Peu après 11 heures, jai repris la piste,
avec ma petite équipe de livreur de mil et leur «bâchée»
(404 à pont), mon ami Abdoulaye et mes 2 coqs. Moins dune heure après,
nous étions de retour à Ouahigouya.
Le lendemain seulement, jai appris que trois
jours avant ma visite, un enfant de 8 ans était mort noyé après
sa chute dans un puits. Son agonie et les tentatives vaines de le sortir de là
ont duré plus de 20 minutes... Cest aussi ça lAfrique.
[Ouagadougou, 12.5.2003]
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