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La Venoge
Poème de Jean Villard
Gilles,
écrivain et chansonnier vaudois, 1895-1982.
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On a un bien joli canton:
Des veaux, des vaches, des moutons,
Du chamois, du brochet, du cygne,
Des lacs, des vergers, des forêts,
Même un glacier aux Diablerets;
Du tabac, du blé, de la vigne.
Mais jaloux, un bon Genevois
Ma dit, dun petit air narquois:
«Permettez quon vous interroge:
Où sont vos fleuves, franchement?»
Il oubliait tout simplement La Venoge!
Un fleuve? En tout cas cest de leau
Qui coule à joli niveau.
Bien sûr, cest pas le fleuve Jaune,
Mais cest à nous, cest tout vaudois,
Tandis que ces bons Genevois
Nont quun tout petit bout du Rhône.
Cest comme: «Il est à nous le Rhin!»
Ce chant dun peuple souverain.
Cest tout faux! Car le Rhin déloge.
Il file en France, aux Pays-Bas,
Tandis quelle, elle reste là, La Venoge!
Faut un rude effort, entre nous,
Pour la suivre de bout en bout
Tout de suite on se décourage.
Car au lieu de prendre au plus court,
Elle fait de puissants détours,
Loin des pintes, loin des villages.
Elle se plaît à traînasser,
A se gonfler, à sélancer
Capricieuse comme une horloge.
Elle offre même à ses badauds
Des visions de Colorado, La Venoge!
En plus modeste, évidemment.
Elle offre aussi des coins charmants,
Des replats pour le pique-nique.
Et puis, la voilà tout dun coup
Qui se met à faire des remous
Comme une folle entre deux criques.
Rapport aux truites quun pêcheur
Guette, attentif, dans la chaleur,
Dun oeil noir comme un oeil de doge.
Elle court avec des frissons,
Ça la chatouille, ces poissons, La Venoge!
Elle est née au pied du Jura,
Mais en passant par La Sarraz,
Elle a su, battant la campagne,
Quun rien de plus, cré nom de sort!
Elle était sur le versant nord :
Grand départ pour les Allemagnes!
Elle a compris! Elle a eu peur,
Quand elle a vu lOrbe sa soeur,
Elle était aux premières loges
Filer tout droit par Yverdon
Vers Olten ! elle a dit: pardon ! La Venoge!
Le Nord, cest un peu froid pour moi:
Jaime mieux mon soleil vaudois
Et puis, entre nous, «je fréquente!»
La voilà qui prend son élan
En se tortillant joliment.
Elle na quà suivre la pente.
Mais la route est longue, elle a chaud.
Quand elle arrive, elle est en eau
Face au pays des Allobroges
Pour se fondre amoureusement
Entre les bras du bleu Léman, La Venoge!
Pour conclure, il est évident
Quelle est vaudoise cent pour cent.
Tranquille et pas bien décidée,
Elle tient le juste milieu,
Elle dit: «Qui ne peut ne peut!»
Mais elle fait à son idée.
Et certains, mettant dans leur vin
De leau, elle regrette bien
Cest, ma foi, tout à son éloge
Que ce bon vieux canton de Vaud
Nait pas mis du vin dans son eau,...
... La Venoge!
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